L’UE veut se rassembler davantage. À l’avenir, cela ne devrait pas être uniquement le cas sur les plans économique et politique. La loi Europol, qui entrera en vigueur en juin de cette année, vise également à étendre les compétences de la police européenne du même nom. Cela impliquera également de nouvelles compétences, notamment en matière de trafic de données numériques. Les ministres de l’Intérieur de l’UE espèrent que cela débouchera sur une coopération plus efficace entre les États membres de l’UE. Est-ce la création d’un homologue du FBI américain ?
La loi entre en vigueur étonnamment rapidement
D’un point de vue législatif, la loi Europol est un véritable sprinter. Après tout, il n’est pas rare qu’une nouvelle loi prenne plusieurs années avant d’entrer en vigueur au niveau européen. Compte tenu du processus législatif complexe et long au niveau de l’UE, cela n’est pas vraiment surprenant. L’idée de la nouvelle loi Europol a été formulée pour la première fois par la Commission européenne en 2020. Fin 2020, la première version a été diffusée. Et maintenant, à peine un an et demi après la première version, la loi va entrer en vigueur – ce qui est tout sauf typique. Les ministres de l’Intérieur de l’UE ont donné leur feu vert définitif. Rien ne s’oppose donc à la nouvelle loi.
Une histoire mouvementée
A l’occasion de la nouvelle loi, il est tout à fait opportun de revenir sur l’histoire d’Europol. Tout a commencé en 1999, lorsque le Conseil européen a décidé qu’un « Office européen de police » devait commencer ses travaux. Il ne s’agit toutefois pas de la première opération policière conjointe au sein de l’UE. Il s’agissait plutôt d’une sorte de regroupement de plusieurs forces de police européennes plus petites, qui s’occupaient auparavant de problèmes tels que la criminalité transfrontalière liée à la drogue. Dans ce contexte, Europol n’intervenait généralement que lorsqu’il s’agissait de crimes graves affectant non pas un mais plusieurs États de l’UE.
Les pouvoirs ont été étendus pièce par pièce
Ce qui semblait être une bonne chose en théorie s’est avéré en pratique poser quelques problèmes initiaux. Par exemple, le maintien de l’ordre efficace par Europol se heurtait généralement à de nombreuses questions liées à la compétence et, plus important encore, aux pouvoirs. Comme Europol n’était pas réellement autorisé à agir lui-même, mais seulement à servir de soutien aux forces de police des États membres, son efficacité a été rapidement remise en question. Cependant, il n’a pas fallu longtemps pour que les pouvoirs soient étendus. En 2009, le Conseil européen a décidé qu’Europol serait désormais également autorisé à prendre des mesures préventives. L’objectif était de lutter à l’avance contre les délits graves. Outre l’autorisation de travailler à titre préventif, d’autres nouvelles compétences ont été ajoutées en 2009. Par exemple, Europol est désormais responsable des « grands événements internationaux ».
Mais les changements intervenus en 2009 ont également fait entrer Europol dans l’ère numérique de la lutte contre la criminalité. Il a été promis qu’il serait permis de constituer de vastes bases de données sur d’éventuels criminels. En attendant, ces bases de données sont pleines à craquer. Les banques de données contiennent des informations sur près de 1,5 million de personnes et d’autres événements importants. Étant donné que les gigantesques masses de données doivent également être propres au sens de la loi sur la protection des données, les décideurs politiques de l’UE ont proposé une nouvelle réglementation en 2016. Cela n’a pas seulement facilité le stockage des données personnelles. De plus, le droit d’interroger des données était lié au but de l’interrogation. Ce n’est que si le processus avait réellement quelque chose à voir avec les données pertinentes que la requête était accordée.
Le rôle du délégué à la protection des données est affaibli
Tout cela ressemble, non sans raison, à un gigantesque bourbier de données, qui pourrait causer toutes sortes de problèmes entre de mauvaises mains. Il est donc d’autant plus compréhensible qu’Europol ait toujours été sous l’œil vigilant du Contrôleur européen de la protection des données. Cette dernière était censée garantir que le travail de la police n’entre pas en conflit avec les droits de la population européenne en matière de protection des données. Il s’avère désormais que le rôle important du contrôleur de la protection des données sera affaibli avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi Europol. Le plus haut gardien européen de la loi sur la protection des données est Wojciech Wiewiórowski, et il n’est visiblement pas satisfait des pratiques de stockage d’Europol. Après tout, selon un rapport du Guardian, Europol est censé stocker de nombreuses données sur des personnes qui ne sont pas du tout suspectes.
Lorsque Wiewiórowski a été informé de cette pratique douteuse, il a ordonné à Europol de supprimer au total quatre quadrillions d’octets de données. Cependant, l’ordre risque désormais d’aboutir à un échec. Pourquoi? Selon la nouvelle loi Europol, l’autorité de police européenne est autorisée à conserver les données personnelles jusqu’à trois ans. Cela ne nécessite pas l’intervention du Contrôleur européen de la protection des données. La nouvelle loi Europol constitue donc un véritable coup dur pour tous les protectionnistes des données. Mais ce n’est pas tout. En outre, les experts se plaignent depuis des années du fait que le soi-disant « Groupe de contrôle parlementaire » n’est pas un organe de contrôle efficace d’Europol. Étant donné que chaque État membre est impliqué ici, cet organisme s’avère tout simplement trop rigide, ce qui explique pourquoi des contrôles significatifs ne sont pas du tout possibles.
Europol est-il en train de devenir une pieuvre de données ?
Il n’est pas rare que de nombreux hommes politiques au sein de l’UE regardent avec envie notre partenaire des États-Unis d’Amérique à l’égard d’Europol. Là-bas, le FBI, en tant que police fédérale, s’occupe des préoccupations de tous les États fédéraux. Le FBI intervient toujours lorsque la gravité du crime le permet ou lorsque plusieurs États sont concernés. Europol ne dispose pas d’autant de pouvoirs, mais il va clairement dans la même direction. Une fois de plus, la nouvelle loi Europol ne prévoit pas que l’agence de police européenne puisse mener de manière indépendante des mesures opérationnelles telles que des arrestations. Mais le « groupe ATLAS », qui appartient à Europol, représente un immense commando spécial capable d’agir en cas d’urgence. Toutefois, à l’ère du numérique, le pouvoir d’une autorité ne doit pas nécessairement être lié à ses pouvoirs opérationnels. Le pouvoir appartient plutôt à ceux qui peuvent collecter beaucoup de données. Et avec la nouvelle version de la loi Europol, c’est définitivement le cas.
Dans ce domaine, la politique de l’UE se concentre sur une collecte de données encore plus approfondie pour contribuer à lutter contre la grande criminalité. En particulier, cela concerne également les historiques de discussions issus de ce que l’on appelle les « encrochats ». Le messager crypté est notamment utilisé par les criminels dans le domaine de la criminalité liée à la drogue. L’année dernière, Europol a transmis les données collectées aux États membres concernés pour faciliter les arrestations. Mais il y a un piège dans tout cela. Les données Encrochat n’ont pas été capturées par Europol, mais par les services secrets français. Faudra-t-il donc se préparer à l’avenir à une coopération étroite entre Europol et les services de renseignement des différents États membres de l’UE ? Si l’on en croit la nouvelle loi Europol, les autorités policières sont expressément autorisées à le faire. Mais cela va encore plus loin. À l’avenir, Europol sera même autorisé à coopérer avec les services de renseignement de pays tiers. Le Conseil européen a d’ailleurs rejeté une classification comme « pays tiers dignes de confiance ».
Europol, pionnier de la lutte contre la criminalité moderne
En outre, Europol jouera désormais un rôle d’institution de recherche. En particulier, les moyens modernes de lutte contre la criminalité sont au premier plan. Outre les drones modernes, l’intelligence artificielle joue naturellement un rôle majeur en matière de prévention. Un ordinateur quantique puissant doit être utilisé pour l’IA. Cela devrait probablement également faciliter le traitement de gigantesques quantités de données. Mais comment tout cela sera-t-il payé ? Bien entendu, le budget de l’Autorité européenne de police augmente parallèlement à ses pouvoirs. Par rapport à l’année dernière, il a déjà augmenté cette année de près de 20 millions d’euros pour atteindre un total de 193 millions d’euros. Quiconque craint désormais que des données personnelles soient stockées par Europol peut demander des informations à l’autorité. Mais ils peuvent aussi tout simplement refuser de le faire.