Un article de 2023 a démontré la possibilité d’un calcul à très faible consommation d’énergie
TL;DR : La recherche en bioinformatique et en informatique neuromorphique pourrait être la clé d’une meilleure efficacité énergétique des ordinateurs. En nous inspirant des systèmes efficaces de la nature, tels que le cerveau humain, nous pourrons peut-être répondre aux demandes énergétiques croissantes de notre monde de plus en plus numérique.
Alors que les ordinateurs consomment de plus en plus d’électricité, les scientifiques se tournent vers une source d’inspiration improbable pour une plus grande durabilité : la modeste cellule biologique. Cette approche, connue sous le nom d’informatique biologique, pourrait réduire considérablement la consommation d’énergie des processus informatiques.
Un article récent dans The Conversation a mis en lumière ce concept, qui s'appuie sur les systèmes efficaces de la nature pour relever l'un des défis les plus urgents de l'informatique moderne. Alors que les centres de données et les appareils ménagers engloutissent environ 3 % de la demande mondiale d’électricité, et que l’intelligence artificielle est sur le point de pousser ce chiffre encore plus haut, le besoin d’alternatives économes en énergie n’a jamais été aussi urgent.
Le concept d'informatique biologique est ancré dans un principe introduit par le scientifique d'IBM Rolf Landauer en 1961. La limite de Landauer stipule qu'une seule tâche de calcul, comme la mise d'un bit à zéro ou à un, nécessite une dépense énergétique minimale d'environ 10⁻²¹ joules. (J). Bien que ce montant semble négligeable, il devient substantiel si l’on considère les milliards d’opérations effectuées par les ordinateurs.
Faire fonctionner des ordinateurs à la limite de Landauer rendrait théoriquement sans conséquence la consommation d'électricité pour le calcul et la gestion de la chaleur. Il existe cependant un problème de taille : pour atteindre ce niveau d’efficacité, les opérations devraient être effectuées à une vitesse infinie. En pratique, des calculs plus rapides conduisent inévitablement à une consommation d’énergie accrue.
Les processeurs actuels fonctionnent à des vitesses d'horloge de milliards de cycles par seconde, utilisant environ 10⁻¹¹J par bit, soit environ dix milliards de fois plus que la limite de Landauer. Cette opération à grande vitesse est le résultat du fonctionnement des ordinateurs en série, exécutant une opération à la fois.
Pour résoudre ce dilemme énergétique, les chercheurs explorent une conception informatique fondamentalement différente, basée sur un traitement massivement parallèle. Au lieu de s'appuyer sur un seul processeur « lièvre » à haute vitesse, cette approche propose d'utiliser des milliards de processeurs « tortues » plus lents, chacun prenant une seconde complète pour accomplir sa tâche. Cela pourrait théoriquement permettre aux ordinateurs de fonctionner près de la limite de Landauer, en utilisant des ordres de grandeur inférieurs à ceux des systèmes actuels.
Une mise en œuvre prometteuse de cette idée est la bioinformatique en réseau, qui exploite la puissance des protéines motrices biologiques – les machines naturelles à l'échelle nanométrique. Ce système consiste à coder des tâches informatiques dans des labyrinthes de canaux nanofabriqués, généralement constitués de motifs polymères déposés sur des tranches de silicium. Les biofilaments, alimentés par des protéines motrices, explorent simultanément tous les chemins possibles à travers le labyrinthe.
Chaque biofilament ne mesure que quelques nanomètres de diamètre et environ un micromètre de long, agissant comme un « ordinateur » individuel en codant les informations grâce à sa position spatiale dans le labyrinthe. Cette architecture est particulièrement adaptée à la résolution de problèmes combinatoires, exigeants en termes de calcul pour les ordinateurs série.
Des expériences ont montré que ces bioordinateurs nécessitent entre 1 000 et 10 000 fois moins d’énergie par calcul que les processeurs électroniques. Cette efficacité découle de la nature évoluée des protéines motrices biologiques, qui utilisent uniquement l’énergie nécessaire pour accomplir leurs tâches au rythme requis – généralement quelques centaines de pas par seconde, un million de fois plus lent que les transistors.
Des progrès significatifs ont été réalisés récemment dans ce domaine. Heiner Linke, professeur de nanophysique à l'Université de Lund et auteur de l'article dans The Conversation, a également co-écrit un article de 2023 démontrant la possibilité de faire fonctionner un ordinateur près de la limite de Landauer. Cette avancée nous rapproche de la réalisation du potentiel de l’informatique à très faible consommation d’énergie.
Bien que le concept de bioinformatique soit prometteur, il reste des défis à relever pour faire évoluer ces systèmes afin de concurrencer les ordinateurs électroniques en termes de vitesse et de puissance de calcul. Les chercheurs doivent surmonter des obstacles tels que le contrôle précis des biofilaments, la réduction des taux d’erreur et l’intégration de ces systèmes à la technologie actuelle.
Si ces obstacles peuvent être surmontés, les processeurs résultants pourraient résoudre certains types de problèmes informatiques complexes avec un coût énergétique considérablement réduit. Cette avancée pourrait avoir des implications considérables sur l’avenir de l’informatique et son impact environnemental.
Comme approche alternative, les chercheurs explorent également l’informatique neuromorphique, qui tente d’imiter l’architecture hautement interconnectée du cerveau humain. Bien que les éléments physiques de base du cerveau ne soient pas intrinsèquement plus économes en énergie que les transistors, leur structure et leur fonctionnement uniques offrent des possibilités fascinantes pour une informatique économe en énergie.