La Commission européenne souhaite impliquer les fournisseurs de streaming étrangers dans le financement de l’expansion des réseaux au sein de l’UE via une taxe. L’association des consommateurs s’est prononcée contre cette contribution obligatoire : elle se ferait finalement aux dépens des utilisateurs.
L’expéditeur paie ?
Le modèle dit de l’expéditeur-payeur fait actuellement l’objet de vifs débats au sein de l’UE. L’idée de base est simple : si les données sont récupérées sur les serveurs de fournisseurs de streaming étrangers, ceux-ci doivent financer le trafic de données qui en résulte. Cela profiterait en premier lieu aux entreprises de télécommunications locales, qui préconisent avec véhémence un tel prélèvement obligatoire. Le projet est porté principalement par l’association de lobbying des télécommunications ETNO, dans laquelle sont organisées Deutsche Telekom, Orange, Telefónica, Swisscom et TIM.
Ce qui peut paraître inoffensif à première vue a d’énormes conséquences. Une telle taxe violerait l’idée fondamentale de neutralité du réseau : Internet ne serait plus un espace dans lequel le trafic de données est traité de manière égale, quelle que soit son origine ou sa destination. Depuis 2016, tous les fournisseurs de télécommunications de l’UE sont liés par ce principe, qui vise à garantir une égalité de traitement générale. Avec le modèle de l’expéditeur-payeur, il serait révoqué au profit d’une commercialisation plus poussée du trafic de données. Susanne Blohm, consultante à la Fédération allemande des organisations de consommateurs, critique le projet : « Nous critiquons les frais d’utilisation d’Internet qui doivent être perçus par les fournisseurs de télécommunications et payés par les fournisseurs de contenu. Cela nuirait à l’économie existante et à l’autonomie d’Internet. Les conséquences négatives pour la concurrence, la neutralité du net et les intérêts des consommateurs dépassent les motivations de profit du secteur des télécommunications.»
En outre, il existe des expériences concrètes en Corée du Sud, le seul pays à avoir introduit un tel modèle fiscal à ce jour. Les fournisseurs de streaming se sont partiellement retirés du marché, ont réduit leurs offres et ont parfois limité la qualité du streaming. Les utilisateurs subissent donc concrètement les conséquences de la taxe. Le marché actuellement en croissance, sur lequel AMC+ a récemment annoncé son lancement en Allemagne, pourrait ainsi être considérablement perturbé.
Pas encore de proposition législative
Il n’existe pas encore de proposition législative concrète. La Fédération allemande des organisations de consommateurs a demandé à la Commission européenne de donner aux initiatives de la société civile ainsi qu’aux associations d’entreprises et de consommateurs la possibilité de faire connaître leur position avant l’élaboration d’un tel projet de loi et ainsi d’influencer sa rédaction ultérieure.